Je suis né d’un devoir conjugal accordé
dans l’espoir permanent d’une conception retardée
Je suis né du rouet, de la catalogne et de tourtières
du bonheur simple de manger selon les recettes d’hier
Je suis né d’un p’tit pain, de Noël sans joujou
De l’effort incessant de joindre les deux bouts
Je suis né les yeux fixés sur l’assurance de mon père
en attente d’une main tendue et d’une caresse légère
Je suis né de l’huile de foie de morue et de camphre
de mouche de moutarde et de douleurs qu’on offre
Je suis né cordigère, scapulaire épinglé
Enfant de chœur soutané, servant de messe peu payé
Je suis né de carottes en bran de scie, de patates égermées
De déjeuner au gruau et de tartes bien sucrées
Je suis né de Gadbois, soldat Lebrun, Leclerc
De 78 tours et de disques pas chers
Je suis né de bûches à fendre, de boîte à beurre
De plancher à laver, de coucher avant l’heure
Je suis né de l’instruction qu’on ne peut refuser
Au prix du pensionnat il faut être bachelier
Je suis né d’un beau lac à l’onde invitante
qui vit moulin, billots, chalets et monte-pentes
Aujourd’hui…
J’ai bonne vie, enfants, amour
travail heureux et rente à mon tour
Dans le même ordre des choses, écoute ce qui suit que tu reconnaîtras sûrement:
Louise
As-tu vu mon commentaire Clovis?
c’est bizarre, ça fait un bout de temps que je l’ai envoyé et il n’apparait pas…
Ah, c’est trucs électroniques
Clovis, va écouter « Le plus beau voyage » de Claude Gauthier sur you tube, C’est vraiment dans la même ligne que « Origines ».
Excellents tes poèmes et réflexions, Clovis.
Je te réponds par un texte semblable de mes origines… On raconte tant de choses…
Rumeurs et parolis* sur la poésie (ON)
On raconte que je suis arrivé en ce monde de la rencontre d’un parapluie et d’une paire de chaussures dépareillées au grenier d’un vieux château.
On prétend que la vérité est un oignon qu’il faut peler et beaucoup pleurer. On trouve parfois la vérité sous une pelure, mais on ne la voit pas toujours à travers les larmes du crocodile.
On affirme que tout a été dit, tout a été écrit. À quoi bon ressasser les mêmes histoires ? Et pourtant je jure que viendra quelqu’un après Aragon qui osera écrire un vers différent et aussi beau que :
«mon sombre amour d’orange amère»
C’est pour cela entre autres que je fais des gammes avec des mots depuis toujours, que je les piège pour leur arracher leur secret.
On croit que la poésie embellit la vie du monde par sa beauté. On avait dit la même chose de l’art autrefois. Et pourtant les métaphores des grands poètes ne sont pas toujours belles comme des bulles de savon au soleil, mais plutôt tombent comme des paroles gelées qui éclatent avec un son indicible, à ce que prétendait Rabelais.
On a bien vu que Gustave a passé cinq ans à réécrire son roman, à le soumettre aux pires tortures pour dire à la fin, exténué, extasié: «Madame Bovary, c’est moi !»
On a bien entendu Marie-Claire Blais qui disait en plein soleil d’août 09 : «Le monde va si vite qu’on a trop de culpabilité à vivre.»
Donc tout n’a pas encore été dit. Il y a les «autres merveilles longues à racompter», écrivait Jacques Cartier. Et son admirateur Pierre Perrault insistait : «On peut faire dire ce qu’on veut aux Écritures, à Ulysse. On ne peut interpeller la mer par l’imaginaire que si on voyage dans l’écriture».
On y revient invariablement : toujours l’écriture pour trouver le nord. Pourtant ne pas oublier comme nous le rappelle Pierre Morency : «Le nord n’est pas dans la boussole.» Le nord de l’écriture est dans le sens de nos rêves quand ils tombent sur le papier comme les paroles dégelées de Rabelais. Entendez-vous Trink ?
Vous avez compris sans dictionnaire…
©Georges Beaulieu
*Parolis : paroles sans importance pour meubler le silence selon… mon grand-père qui avait la langue bien pendue.