Le criard de la shop a sifflé deux fois
D’un même geste, ils ont écrasé leur mégot
et sont entrés par la grande porte
Tout le jour, ils ont poussé, tiré, sué
Boîtes à beurre de mon cœur
Sur un parfum de paraffine chauffée
la poussière de bois a blanchi leurs épaules
farci leurs oreilles et teinté la lueur des ampoules
Le criard de la shop a sifflé deux fois
Lourds de leurs répétitions machinales
D’un même geste ils ont secoué leur casquette
Ils ont marché vers leur maison, leur famille,
leur repas et leur repos
Du cœur du printemps au cœur de l’automne
ils ont prêté leur bras, leur dos, leurs mains
À force d’adresse et de solidarité
ils ont fabriqué une fierté
À travers des boîtes aux destinations canadiennes
ils ont vécu leurs stériles rêves de voyage
et forgé leur présence muette
Le criard de la shop a sifflé deux fois
Un soir d’automne
Comme par une fatalité indiscutable
Le criard de la shop a lancé un long sifflement
L’usine fermait définitivement ses portes
Une à un, les ouvriers ont quitté leur unique gagne-pain
sans tourner la tête, sans un regard sur leur passé
Ils ont gagné leur chaumière et compté leur derniers sous
Après ce dernier sifflement
Leur vie a basculé et furent réduits leurs espoirs
Les jeunes ont pris le chemin des villes
et laissé le plus âgés repeindre leur demeure
aux couleurs de l’automne
Dans un silence presque coupable
Les propriétaires ont abandonné et fermé l’usine
Une à une les machines sont parties
Tout a été vendu
Plus jamais ne sifflera le criard de la shop
qui a marqué leur passage à la vie d’adulte
qui a mesuré leur repas et leur détente
qui a sonné leur rassemblement
et déclaré leur retraite